C’est la photographie d’un paysage de montagne. C’est en même temps une ode poétique à ce val de Suisse romande où elle se rend régulièrement, parce qu’elle y a de quoi habiter. Habiter, voilà bien un verbe à associer à cette œuvre photographique. Car Monique Jacot, bien qu’elle ait beaucoup voyagé, n’est pas du genre à se contenter d’être de passage. Non, elle a besoin de temps. De temps pour approcher les gens, créer du lien, comprendre une langue aussi nouvelle que le pays qui la parle… Elle photographie moins pour regarder que pour apprivoiser, deviner, ressentir, partager. Elle est femme parmi les Hommes, elle est œil qui regarde droit dans les yeux, sans se cacher derrière l’objectif. Ses reportages les plus connus, Femmes de la terre (1989), Printemps de femmes (1994) ou Cadences‑L’usine au féminin (1999), témoignent de son art de la cohabitation, de la proximité, de l’empathie avec son sujet. Quand Monique Jacot est là, elle est présence au monde qui l’entoure. Quand Monique Jacot est là, elle est attentive, car, dit-elle, «une photographie est une provocation de l’extérieur à laquelle il faut répondre.»
C’est la photographie d’un paysage de montagne. Et j’y perçois un sens aigu de la composition. Monique Jacot ne recadre jamais. Elle photographie donc comme on fait un sonnet, selon des règles que l’appareil photo impose, mais qui ne sont que le terrain circonscrit de sa liberté de regard. C’est le signe d’une rigueur, sans doute acquise à l’enseignement de Gertrude Fehr, qui lui permet de lier la forme au sens. Cela aiguise sa perception du monde, lui sert à souligner ce que la photographie suggère plus qu’elle ne le montre, c’est-à-dire les forces souterraines de la nature ou de la société humaine. Cela lui permet d’organiser ce qu’elle voit et de transmuter la vision en discours. Monique Jacot ne photographie pas pour ne rien dire… Elle est femme de caractère. Engagée. Elle est de son temps et de sa race. Cela se sent, cela émane de chacune de ses images. C’est la photographie d’un paysage de montagne. Et j’imagine Monique Jacot en «Veilleuse du val». Je la sais marcheuse. Ce val, elle en a arpenté mille fois les pentes. Elle passe et repasse par là où elle est déjà passée.