«Bo est parti, oui, c’est vrai, vous pouvez l’annoncer sur votre site», me répondit un haut responsable auquel je téléphonais pour obtenir confirmation de l’information provenant d’un journaliste en poste à Pékin: Bo Xilai avait été révoqué de son poste de secrétaire du Parti à Chongqing. En fait, une demi-heure plus tôt, Yang Haipeng, un ancien journaliste du Quotidien du Sud, dont le blog est suivi en Chine par 200'000 internautes, avait déjà mis l’information en ligne. «Je m’engage à fermer mon blog s’il apparaît que c’est faux», ajoutait-il.
L’agence de presse officielle du gouvernement, Xinhua, essaya de rattraper son retard et publia un communiqué de cinquante-quatre mots, dix minutes après mon message. La chute de Bo provoqua de vives réactions dans l’opinion publique. En l’espace d’une heure, 62'000 commentaires parurent sur Tencent, l’un des plus grands portails internet du pays. Des sites très à gauche tels que Utopia, Red China et Maoflag regorgeaient de protestations contre sa destitution. Nombre d’habitants de Dalian et de Chongqing exprimèrent sur Weibo leur sympathie à son égard et leur soutien.
Craignant que la situation devienne chaotique, le gouvernement ordonna immédiatement à tous les sites d’informations gérés par l’administration de minimiser l’événement. Dans l’après-midi, tous les gros titres avaient disparu et l’information se confondait avec les autres nouvelles de la journée. Des portails, tels que Sina et Netease, fermèrent leur section réservée aux commentaires.
Kong Qingdong, professeur à l’université de Pékin, s’opposa ouvertement à la décision du Parti, la qualifiant, lors d’un passage à la télévision, de «coup d’Etat contre-révolutionnaire». Kong fut emprisonné pendant cinq jours. Après quoi, il reconnut sur son blog, apparemment sous la pression du gouvernement, qu’il avait accepté un million de yuans (soit 149'000 francs) de Bo Xilai en échange de ses services pour promouvoir ce que celui-ci avait réalisé à Chongqing dans les domaines politique et économique.