Lorsqu’il se rendait au festival des Rencontres photographiques d’Arles, René Burri aimait s’échapper à la Chassagnette, le somptueux restaurant bio lancé par la mécène suisse Maja Hoffman en Camargue. Bien sûr, c’est lui qui régalait. 

«René était généreux, drôle, charmeur, raconte le photographe bernois Michael von Graffenried, qui le considérait comme un mentor et un ami. Du genre à vous emmener dans le plus fameux restaurant de l’Engadine, où il était tout content de voir une personnalité comme Michael Ringier (propriétaire du groupe de presse homonyme, ndlr) à la table d’à côté. Car il avait aussi un côté vaniteux.»

René Burri croquait la vie à pleines dents. Ces dernières années, le cancer qui rongeait l’homme au chapeau, au foulard et au cigare avait tempéré son entrain; mais l’avalanche d’hommages de ses pairs à l’annonce de son décès témoigne de l’estime comme de l’affection qu’ils lui portaient. 

Sur sa page Facebook, l’Américain Steve McCurry a ainsi posté une image de Burri trônant, sérieux comme un pape, dans un costume traditionnel chinois au palais d’Eté de Pékin.

Paradoxalement, ce n’est pas l’humour qui ressort de son œuvre. Plutôt l’amour de la lumière, l’élégance de la composition et le sens de l’Histoire: sur une photo prise en 1946 à Zurich (ci-dessus), on voit passer Winston Churchill debout dans sa voiture. 

Burri avait alors 13 ans. Jusqu’à la fin de sa vie, il resterait fier de cette image qui trônait dans son bureau, même si depuis, il avait parcouru la planète pour couvrir l’actualité, de la guerre du Vietnam aux révolutionnaires de Cuba en passant par la Chine et l’Egypte.