Bientôt minuit. Nous sommes assis au fond d’une embarcation en bois voguant en direction d’Anse-à-Pitres, au sud-est d’Haïti. Vu l’état des routes, le trajet maritime est le plus approprié. Après de longues heures de navigation, nous rejoignons la côte et un bourg assoupi. En bordure d’un chemin blanc poudreux, un labyrinthe de tentes et d’abris de fortune rafistolés.
Durant l’été 2015, plusieurs dizaines de milliers de migrants haïtiens s’y sont réfugiés après les menaces de déportation forcée du Gouvernement dominicain. Le site, encerclé de bayahondes et de cactées, est bien trop petit pour les accueillir tous, et les autorités de la pauvre commune crient leur impuissance. A mesure que le soleil monte, les rafales se font plus violentes. En moins d’une demi-heure, la température de nos corps monte de plusieurs degrés, nous sommes comme pris de fièvre… et mangeons quantité de poussière. Un petit groupe nous entoure, certains racontent leur histoire d’un jet, d’autres restent muets, les mines froissées…