Sept.info | La chasseuse de voleurs d'organes (2/5)

La chasseuse de voleurs d'organes (2/5)

Depuis les années 1990, l’anthropologue Nancy Scheper-Hughes tente de comprendre les méandres du marché international du trafic d’organes.

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Nancy Scheper-Hughes. © Claudio Fedrigo

Dans ses écrits, l’anthropologue Nancy Scheper-Hughes décrit ses années de recherche dans le marché noir international des organes comme une déroutante «descente aux Enfers». Lorsqu’elle en parle en personne, elle est animée et énergique. Née en 1944, Scheper-Hughes est en quelque sorte un mélange détonnant entre une grand-mère et un hipster. Je lui ai rendu visite par une journée d’hiver, chez elle, près du campus de Berkley. Ses cheveux étaient coupés courts, en pointes, striés de mèches magenta, et elle portait une chemise à manches courtes qui laissait apparaître un tatouage stylisé en forme de tortue – un cadeau de son fils pour son soixantième anniversaire. Tout en évoquant ses dizaines de voyages à travers le monde, lors desquels elle interrogea des chirurgiens, des donneurs, des receveurs et divers intermédiaires, elle me montrait son bureau, qui avait été jadis le garage de la maison. A l’intérieur se trouvaient des milliers de dossiers, classés dans des dizaines de caisses en plastique et d’armoires noires, mais aussi des tiroirs pleins de cassettes et de carnets de notes.

Depuis le milieu des années 1990, Scheper-Hughes a publié une cinquantaine d’articles et de chapitres de livres sur le trafic d’organes, matériel qu’elle synthétise en vue de la publication d’un livre, audacieusement intitulé A World Cut in Two (Un monde coupé en deux). Au fil des années, elle a exercé une influence notable sur les tendances intellectuelles de son domaine, et son étude du trafic d’organes sera probablement sa dernière prise de position sur l’importance et la valeur de la discipline à laquelle elle a consacré sa vie. La question de savoir si la somme de ce travail représente un triomphe de la recherche anthropologique ou un conte mettant en garde contre la tendance à l’auto-justice du monde académique est déjà vigoureusement débattue parmi ses collègues.

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