La chasseuse de voleurs d'organes (5/5)

L’anthropologue Nancy Scheper-Hughes démantèle, depuis les années 90, les ramifications d’un marché peu glorieux: le trafic d’organes. Ses méthodes musclées divisent la communauté scientifique.

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Nancy Scheper-Hughes.© Claudio Fedrigo

Aux Etats-Unis, la liste d’attente pour obtenir un rein compte plus de 100’000 personnes, alors que le nombre de donneurs n’a pratiquement pas bougé depuis une dizaine d’années. Des chiffres récents de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) montrent qu’en 2010, les 107’000 greffes d’organes pratiquées dans les 95 pays membres n’ont satisfait que 10% de la demande mondiale. L’OMS estime que, dans ces chiffres, un organe transplanté sur dix provenait du marché noir.

L’impact de l’anthropologue Nancy Scheper-Hughes sur les pratiques liées aux transplantations est difficile à déterminer. Organs Watch existe encore aujourd’hui. Même si elle n’a pas d’équipe administrative, Scheper-Hughes continue à former des doctorants et post-doctorants à pratiquer un travail de terrain international. Le site web de l’organisation ne contient que la phrase suivante: «Le site web d’Organs Watch est en cours de reconstruction, et déménagera vers une nouvelle adresse en août 2009.» Scheper-Hughes explique qu’elle a dû fermer le site en hâte après avoir appris qu’une trafiquante d’organes se servait des informations qu’elle y trouvait pour localiser les populations où se trouvaient les donneurs les moins chers et les plus motivés…

Dans le champ anthropologique, le type de «militantisme» et de plaidoyer radical défendu par Scheper-Hughes dans les années 1990 est un peu passé de mode. «Elle a mauvaise réputation dans son domaine. Elle attire nos collègues tout autant qu’elle les fait fuir», explique Arthur Kleinman, un anthropologue de la santé d’Harvard très réputé. «J’ai beaucoup d’admiration pour son indiscutable honnêteté, parfois brutale même, mais j’ai un problème avec son ton provocateur et accusateur.» Nancy a toujours ses admirateurs dans la discipline, parmi lesquels l’illustre anthropologue Paul Farmer. «Le défi qu’elle a relevé est le suivant: comment plaider pour une cause quand tout vous ramène vers un modèle de repli, une forme de tour d’ivoire?» m’explique-t-il. «Elle repousse les limites de l’engagement social, et elle est allée bien plus loin que ce que font les autres chercheurs. Elle fait ce qu’elle croit juste, et nous sommes nombreux à penser qu’elle a raison.»

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