Sept.info | Shell, un naufrage spectaculaire (3/3)

Shell, un naufrage spectaculaire (3/3)

En 2012, Shell installe la plateforme de forage en Alaska, Kulluk. Dès le 28 décembre, l’équipage doit faire face à une succession de problèmes, dont une terrible tempête.

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La plateforme Kulluk finira sa course sur les rives de l’île de Sitkalidak dans l'ouest du golfe de l'Alaska.  © USCG

Le remorqueur Alert entre en scène le 30 décembre, et l’une des premières communications que Craig Matthews, l’ingénieur-chef du navire, se souvient avoir entendue, était plutôt à ranger du côté des mauvaises nouvelles. «Soyez-en informés, a dit une voix monocorde dans la radio, nous venons juste de nous séparer de notre câble». Les communications – effectuées via de nombreuses stations radio et des téléphones satellitaires entre de multiples bateaux, agences fédérales et gouvernementales, ainsi que des responsables de Shell à Kodiak et à Anchorage – sont devenues si complexes qu’elles sont désormais filtrées par un avion militaire C-130 de l’US Coast Guard (la garde côtière des Etats-Unis, ndlr) volant quelque part au-dessous des nuages. Mais cette voix venait de l’Aiviq. Le câble de remorquage d’urgence s’était brisé. La plateforme Kulluk était une fois encore à la dérive, cette fois à moins de 50 kilomètres des terres.

En comparaison de l’Aiviql’Alert est petit – la moitié de la puissance de l’Aiviq, le tiers de sa longueur –, mais à côté de n’importe quel autre remorqueur d’Alaska, il est énorme. Il travaille habituellement dans la baie du Prince-William, escortant des pétroliers depuis le terminus de l’oléoduc trans-Alaska, à Valdez, en passant par Bligh Reef – un site connu pour l’échouement de l’Exxon Valdez en 1989, le pire de l’histoire de l’Alaska. Les escortes ont été rendues obligatoires après la marée noire de l’Exxon Valdez: la mission de l’Alert est d’éviter absolument un nouveau désastre. Aussi, lorsqu’il a été envoyé pour maintenir Kulluk loin du récif, son équipage a pris le travail à cœur. «Je voulais vraiment y aller, dit Matthews – qui a 57 ans mais en paraît dix de moins. Je le voulais vraiment.» Il a convenu d’un plan: son capitaine ferait précautionneusement marche arrière en direction de Kulluk, laquelle titubait alors toujours de manière incontrôlée au milieu de vagues de près de dix mètres de haut. Matthews, lui, irait sur le pont avec un grappin. Quand ils seraient suffisamment proches du câble de remorquage brisé de la plateforme, il jetterait le crochet et l’enroulerait à la main. Il prendrait le câble de remorquage de l’Alert, et lierait les deux ensemble avec le nœud qu’il avait suggéré: un nœud de chaise.

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