Quelque chose dans les gestes exaltés et nerveux du corps frêle de Hadj fait penser aux tornades de sable qui soulèvent la poussière des plaines du Somaliland et en déterrent, parfois, des minerais précieux. Dans le lobby de l’hôtel d’Hargeisa où il a posé ses bagages et ne compte repartir qu’après avoir amassé des millions, il fait de grands mouvements de ses bras tout en veines saillantes, dispersant la fumée de sa cigarette. Tout autour de lui, une nuée de Somalilandais s’est rassemblée pour écouter ce chercheur de trésors avec intérêt, avidité ou malice. Le trentenaire lyonnais, originaire d’Oran, déblatère dans un arabe mêlé de français d’interminables tirades sur la qualité des diamants et des opales que ses clients attendent à Paris et à Hô Chi Minh-Ville. Les négociants locaux en gemmes, d’un ton mielleux, promettent de revenir le lendemain avec des échantillons de première qualité. Ils amadouent l’acheteur qui, à force de gesticuler, les a convaincus de l’importance de sa venue dans ce pays en devenir qui, 25 ans après la proclamation de son indépendance, attend toujours sa reconnaissance internationale.
Le voilà enfin seul avec ses rêves de grandeur, qui flottent dans l’air dilaté par la chaleur, comme des mirages dans le désert: «Je suis venu au Somaliland pour deux types d’activités: éthique et business. Côté éthique, je vais ouvrir une station d’épuration d’eau avec une compagnie lyonnaise, financée par l’Unicef (le Fonds des Nations unies pour l’enfance). Je bosse aussi sur un projet d’aquaponie pour créer de l’emploi. Côté business, je vais monter une société d’exportation de gemmes. Ici, il y a tout: de l’or, des diamants, des saphirs, de l’opale, de l’émeraude, et…» Baissant soudain la voix, il ajoute en faisant défiler les photos sur son téléphone: «… des antiquités. Des statuettes. Des amulettes. Les pharaons noirs, ils sont passés par ici. Mais personne ne vient chercher ces trésors, car les gens assimilent le Somaliland à la violence des shebabs de Mogadiscio. Et ça, c’est bon pour mon business.» L’homme sourit, croisant et décroisant ses jambes maigres, l’air pénétré.