Le 28 janvier 2014, lors du deuxième jour de sa visite d’Etat en Pologne, le président de la Confédération suisse Didier Burkhalter se rend à Auschwitz sur le site de l’ancien camp d’extermination nazi. Le ministre des Affaires étrangères insiste sur la responsabilité de sensibiliser les jeunes générations aux crimes contre l’humanité et il allume une bougie près du monument aux victimes juives de la barbarie hitlérienne. Une année plus tard, le 27 janvier 2015, bis repetita placent, c’est la nouvelle présidente de la Confédération Simonetta Sommaruga qui représente la Suisse à la cérémonie de commémoration de la libération du camp où plus d’un million de personnes ont été assassinées.Entre ces deux visites, le 18 décembre 2014, l’Assemblée générale de l’ONU adopte la résolution L56 qui condamne la glorification du nazisme par une écrasante majorité des pays de la planète. Tout comme les pays de l’Union européenne, la Suisse n’accepte pas cette résolution, elle s’abstient. Comment expliquer cette position officielle? Le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) est visiblement gêné par les questions posées par sept.info Tout en estimant que cette résolution «pose des problèmes fondamentaux pour la Suisse et les Etats proches de notre position», il refuse dans un premier temps d’accorder une interview, ne communique que par e-mail, par bribes et morceaux, donne même une information erronée sur le résultat du vote à l’ONU. Finalement, le DFAE propose un entretien «off» – sans utiliser les citations – à Berne avec l’ambassadeur Jürg Lauber, chef de la division Nations Unies et organisations internationales et le chef de la communication, Jean-Marc Crevoisier… qui ne répondent pas à nos questions.
Dans un e-mail, le DFAE nous a fourni un texte en anglais. Il s’agit de la déclaration faite à l’ONU au nom de la Suisse, pour expliquer son abstention. Ce texte nous apprend que la Suisse était représentée à l’ONU par un citoyen du Liechtenstein qui s’occupait également des intérêts de son pays et de ceux de l’Islande. Selon le DFAE, le texte, rédigé par le Liechtenstein, aurait été préalablement discuté et approuvé par ses services (Service de lutte contre le racisme, Division sécurité humaine, Direction du droit international public et Division Nations Unies et organisations internationales). Mais, selon nos sources, le document n’a été vu ni par le chef du Département, Didier Burkhalter, ni par le Conseil fédéral. Comme si une prise de position à l’ONU sur la glorification du nazisme n’était qu’une affaire de routine qui n’intéresse pas ceux que l’on appelle parfois «nos sept sages.» Qu’a déclaré officiellement la Suisse à l’ONU, après son abstention? Ou plus précisément qu’a dit le représentant de la Suisse, du Liechtenstein et de l’Islande? En premier lieu, il a souligné des éléments qui vont dans le sens de la résolution, à savoir que ces trois pays sont de fervents partisans de toutes les mesures de lutte contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance, y compris le nazisme et le néonazisme. Qu’ils ont ratifié les conventions en la matière et pleinement soutenu le travail des organes de l’ONU et du Conseil de l’Europe dans ce domaine. Dans un deuxième temps, le représentant du Liechtenstein, de l’Islande et de la Suisse dit pourquoi la Suisse ne ratifie pas la résolution contre la glorification du nazisme. C’est, notamment, parce qu’elle ne veut pas s’opposer à certains groupes ou partis politiques qui revendiquent le nazisme par opportunisme politique, «sans souscrire à l’idéologie qui a conduit à la Deuxième Guerre mondiale et aux innombrables crimes commis par le régime nazi».