Sept.info | La Suisse, nid d'espions (4/9)

La Suisse, nid d'espions (4/9)

© Juliette Léveillé
La Gestapo faisait courir de fausses rumeurs. Ainsi, le bruit selon lequel les billets de 5'000 francs français allaient être retirés de la circulation arrivait régulièrement aux oreilles de l’OSS.

Depuis Berne, le chef du Service de renseignement français manque d’argent. Le régime de Vichy lui a coupé les vivres. Les Américains lui sauvent la mise, non sans contrepartie.

A Berne, le commandant Pourchot se trouvait confronté à une situation de plus en plus délicate. Mis en congé après l’armistice de juillet 1940, il ne recevait presque plus d'argent de Vichy. Son supérieur à Vichy, le colonel Rivet, lui avait pourtant donné l’ordre de continuer le combat. Pendant près de deux ans, Pourchot lui enverra régulièrement lettres, câbles et télégrammes codés. Le service fonctionnait cahin-caha, même si l’intendance avait du mal à suivre. Mais après la dissolution de l’armée française, Pourchot ne reçut plus aucun subside. L’attaché militaire américain Bromwell Legge se porta à son secours ainsi qu’en témoigne une lettre qu’il lui adressa le 18 décembre 1942: 

«Mon cher camarade et collègue, pendant ces trois dernières années, nous avons travaillé ensemble en toute confiance et en accord parfait. Vous m’avez donné librement et fidèlement votre assistance infaillible dans un temps où j’en avais le plus besoin. Sans votre assistance, les chefs, fréquemment, auraient été mal renseignés. Tous les intéressés vous ont une grande reconnaissance. Vu les circonstances présentes et la démobilisation de votre armée, je me rends compte que vous traversez de graves difficultés en continuant à œuvrer pour la cause commune. C’est avec plaisir que je vous offre toute l’assistance financière pour que votre précieux travail puisse continuer. Je peux vous garantir cette assistance pour au moins cinq mois et aussitôt que nous commencerons sur cette base, j’entreprendrai des démarches pour maintenir cette assistance financière. En vous assurant de ma grande estime, je suis cordialement vôtre.»
Général Legge.

Pourchot accepta ce ballon d’oxygène qui allait assurer la survie de ses réseaux. Chaque mois, Legge lui verserait 45’000 francs français et se faisait fort d’honorer chacune des demandes pécuniaires de son collègue français. Mais il y avait plus grave. Après la dissolution de l’armée française et le passage à la clandestinité des responsables du SR (Service de renseignement), en novembre 1942, Pourchot avait perdu tout contact avec ses supérieurs. Il avait tenté de communiquer directement avec Alger, où se trouvaient désormais les chefs du SR, grâce à l’émetteur radio de l’attaché naval, Henri Ferran. Mais les Suisses avaient détecté les émissions et fait pression sur l’ambassadeur de France pour qu’il y mette un terme. Pourchot fut contraint d’obtempérer. Le général Legge vint alors une nouvelle fois à son secours en mettant à sa disposition ses moyens de communication. Legge envoya à l’antenne d’Alger de l’OSS (Office of Strategic Services, Bureau des services stratégiques) le message suivant: «A transmettre au colonel Rivet ou au colonel de Winck (SR français): “Nos transmissions ont été découvertes, nous cessons momentanément mais nous continuerons à écouter à 10 heures GMT. Nous accuserons réception sur 14’114 kilocycles. Jusqu’à plus ample information, nous communiquerons avec vous au travers des Américains, dans notre code. Notre télégramme commencera par un groupe de quatre figures nulles. Signé 206.” Veuillez transmettre immédiatement au quartier général américain. Réponse urgente demandée.» Legge n’avait mis qu’une condition à l’emploi de ses radios par Pourchot: Washington devait recevoir un double de tous les messages qu’il enverrait aux services de Rivet à Alger. Pourchot avait conscience de prendre un gros risque. N’engageait-il pas son carnet de chiffrage, «chose à mettre au feu plutôt que de la perdre»? «Je veux que Washington et Alger soient informés de ce que je fais, répondit Pourchot à Legge. Il est clair que je ne trahis pas mon pays. De plus, je ne veux pas qu’Alger puisse apprendre mes informations par Washington.» Les règles du jeu étant fixées, le travail pouvait commencer. Les Américains n’eurent jamais à s’en plaindre. Très vite, Legge transmit à Pourchot les félicitations de Washington et lui fit voir des dizaines de petites notes de l’état-major lui ordonnant de poursuivre par tous les moyens et de ne sacrifier à aucun prix la source des précieuses informations. Les Américains allaient plus que jamais avoir besoin des services et des agents de Pourchot. Berne en effet était en train de devenir un point stratégique pour l’OSS.

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