Sur le plus vieux pont de Berne, l’Untertorbrücke, qui encadre les ancestrales demeures bordant les eaux aigue-marines de l’Aar, des touristes s’extasient devant un spectacle atypique. Tour à tour, des gars nagent jusqu’à une corde accrochée au pont de Nydegg – surplombant, en amont, le parc aux ours de la capitale suisse – et s’aident de la tension pour surfer sur une brève mais spectaculaire vague. Les cloches de la vieille ville sonnent les sept heures, quelques voitures grondent sur les pavés. Alors que les surfeurs s’amusent en contrebas, un couple de tout jeunes mariés vient prendre la pose sur le pont en pierres.
Des planchistes en combinaison noire s’invitent dans le cadre. Clic-clac, le souvenir est dans la boîte. Saisie l’été 2015, l’image est pour le moins décalée. Et, nous allons l’apprendre, indissociable de Berne et de son histoire. Lorsque nous l’approchons, la bande de surfeurs semble se méfier, un peu, des journalistes que nous sommes. Tous ne sont pas enchantés par l’intérêt que suscite leur activité. Et puis, il est vrai que cette corde accrochée au pont, aux yeux de tout un chacun, trahit un petit goût du danger. Mais Manuel Zingg sourit: «Surfer sur l’Aar, c’est comme fumer un joint. C’est toléré.» Photographe, il rentre de plusieurs mois passés à Essaouira, au Maroc, où il donnait des cours… de surf, évidemment. «Parfois, la police nous conseille d’être prudents, les Bernois aussi. Rien de méchant.» Cela fait plusieurs années qu’il n’y a pas eu de problème, mais certains imprudents y ont laissé la vie, et les autorités n’ont pas toujours fermé les yeux. Nous y reviendrons.