Bernard Carvalho sue à grosses gouttes. Engoncé dans une chemise hawaïenne, le cou orné d’une guirlande de fleurs multicolores et un téléphone portable vissé à l’oreille, le maire de Kauai surveille anxieusement les résultats de l’élection, ce 4 novembre 2014.
Ce grand homme bedonnant au visage barré d’une moustache carrée vise un troisième mandat à la tête de ce minuscule îlot hawaïen de la taille du canton d’Argovie. Celui-ci se déchire depuis 20 mois autour de la présence de plusieurs groupes agrochimiques, dont la société suisse Syngenta. La campagne électorale pour renouveler la mairie et les sept sièges du Conseil exécutif a été dominée par ce thème.
L’assistante de Bernard Carvalho lui passe un morceau de papier avec les premiers résultats. Il laisse échapper un sourire félin. Les nouvelles sont bonnes. Mais il manque encore une bonne partie des bulletins déposés dans l’urne par les 65’000 habitants de l’île.
Qu’importe, le maire arbore déjà des airs de vainqueur. Il s’essuie le front avec un mouchoir blanc, puis pénètre dans la salle de banquet où l’attendent ses supporters sous une guirlande de ballons turquoise et une bannière ornée du slogan «Carvalho – Action with Aloha».
Kauai est surnommée «l’île jardin». Vue depuis l’avion, elle ressemble à un rocher accidenté strié de rouge et de vert, posé sur le tapis turquoise de l’océan Pacifique. Une fois au sol, on a l’impression d’avoir pénétré dans un paradis perdu.
Les sommets des canyons multicolores se perdent dans la brume. Des plages de sable blond sont battues par de gigantesques vagues qui viennent y mourir dans un nuage d’écume. Partout, des coqs sauvages aux plumes noires parcourues de reflets bleutés se promènent au milieu des hibiscus.