Que de transformations le thé n’a-t-il pas subies au cours de ses quatre siècles de présence parmi nous, les Britanniques! Il est passé du statut de nouveauté exotique à celui de produit ordinaire de la vie domestique; il a perdu sa réputation de psychotrope aux effets potentiellement redoutables pour s’imposer comme la petite «tasse qui réconforte»; d’institution au cœur du rituel social, il est devenu cette boisson consommée sans façons et souvent en solo; longtemps marchandise régie par un quasi-monopole d’Etat, la voilà aux mains des marques contrôlées le plus souvent par des multinationales; et ce produit, d’artisanal, est devenu industriel.
L’idée même de thé était à l’origine étroitement liée à l’idée de Chine; mais, au XVIIIe siècle, sa consommation commença de définir l’identité britannique. En 1863, l’épicier de Birmingham dont le fils devait plus tard fonder la marque Typhoo, claironna que «la grande race anglo-saxonne [était] fondamentalement un peuple de buveurs de thé».
Jadis produit de luxe réservé à l’élite, celui-ci est devenu la plus démocratique des boissons. Sur le devant de la scène privée, le thé a également été pendant des siècles au centre de l’économie politique, de la conduite des affaires publiques et des relations internationales.