Que diable deux Gruériennes, photographes de talent, jeunes, sont-elles allées faire durant une année sur les alpages des Préalpes fribourgeoises à la rencontre de leurs habitants? Pourquoi Marie Rime et Mélanie Rouiller, coauteures de Le chalet d’alpage comme choix de vie (Ed. de l’Hèbe), sont-elles retournées sur ce terrain pourtant largement labouré par Hugues de Wurstemberger (Paysans, Ed. La Sarine), Jean-Luc Cramatte (Paysans du Ciel, Ed. La Sarine), Charles Morel (1862-1955), Simon Glasson (1882-1960) ou Nicolas Repond? Installée sur la terrasse devant l’entrée d’un atelier de la ferme familiale, à Vaulruz, Mélanie Rouiller sourit en entendant ma question.
Secondes de silence…
– Votre travail sent un brin le passage obligé. On a l’impression que les photographes gruériens doivent tous passer par l’alpage un jour ou l’autre. Comme si c’était inscrit dans leurs gènes.
En face de nous, le Moléson s’étire dans le ciel azur. A quelques centaines de mètres, l’autoroute A12, trait de bitume au milieu des champs, rappelle bruyamment sa modernité. Tout comme ce train qui glisse en contrebas, au rythme de l’escargot. Ses roues crissent comme la craie sur le tableau noir.
Nouvelles secondes de silence…
– Passage obligé, disions-nous.
– C’est vrai, répond sobrement Mélanie Rouiller, qui a appris son métier dans la presse locale avant de courir le monde.
A ses côtés, Marie Rime, qui, elle, vient de sortir de l’ECAL (l’Ecole cantonale d’art de Lausanne), acquiesce: «La montagne fait partie de nous. De notre histoire personnelle. Nous sommes d’ici. De la Gruyère. Pourquoi s’en cacher?»