Ostende, novembre 2014, 10 h 30, un lundi matin. Comme dans toutes les écoles belges les enfants jouent, crient et courent pendant leur recréation. Les plus petits jouent à chat perché, les plus grands se disputent un ballon, les plus nonchalants, eux, restent scotchés à leur portable. A première vue, ces enfants en vareuse ressemblent à tous leurs compères du même âge. En réalité, ils sont les pensionnaires de l’Ibis, un internat pour enfants issus de milieux difficiles.
Composé d’un bâtiment historique donnant sur le port d’Ostende autour duquel d’autres immeubles et petites maisons ont été construits pour loger les enfants, l’Ibis est un lieu hors du temps. L’ambiance est propre à celle de la côte flamande: tout y est carré, propre, fonctionnel et gris.
L’institution existe depuis plus de 110 ans et fait partie des endroits historiques de cette ville portuaire de la côte belge. L’Œuvre Royale IBIS a été fondée par le Prince Albert et la Princesse Elisabeth le 6 juillet 1906. A cette époque, une école des «pupilles de la pêche», destinée à recevoir les orphelins de marins pêcheurs, devenait une nécessité sociale et économique.
Le but était d’aider ces enfants à intégrer la société extérieure du mieux possible en leur donnant une éducation et une formation aux métiers de la mer, ainsi qu’en leur offrant un toit. Aujourd’hui, la structure poursuit le même objectif mais accueille près d’une centaine de garçons entre 6 et 16 ans, tous issus de familles défavorisées et difficiles. Ils sont les «Orphelins du XXIe siècle», comme les surnomme le directeur Philipp Declerk.
Certains font toute leur scolarité dans cette bâtisse, d’autres n’y séjournent que quelques années. Les enfants grandissent loin de leur famille dans un environnement très discipliné, structuré et quasi militaire: uniformes, déplacement en file indienne, couvre-feu, horaires à respecter, salut au drapeau… Mais les récréations, les temps libres, les sorties en mer et l’attention portée par les éducateurs et professeurs, leur permettent aussi de s’épanouir dans un environnement plus décontracté et familial.
Bien que toujours entourés, ils respirent la solitude et l’abandon, leur visage est celui de l’enfance ou de l’adolescence, mais leur regard n’a pas d’âge. Au détour de conversations banales ils vous raconteront qu’ils n’ont plus de contact avec leur père ou leur mère, qu’ils ont 12 frères et sœurs, que leurs parents ne viennent pas les chercher ou qu’ils préfèrent rester pensionnaires à l’Ibis même après leurs 16 ans car le soir ils pourront dîner.