Chaque année a lieu dans certains villages reculés du nord de la Papouasie-Nouvelle-Guinée une cérémonie particulière réservée aux hommes: au moment d’entrer dans l'âge adulte, les garçons doivent se scarifier la peau afin de ressembler aux crocodiles. Car le long du fleuve Sepik, qui serpente sur 1’126 km avant de se jeter dans la mer de Bismarck, le crocodile incarne le pouvoir pour la communauté des quelque 15’000 Itamul, un peuple mélanésien de Nouvelle-Guinée. Le mythe raconte qu’avant même que l’humanité existe, un crocodile géant a remué la queue, la terre s’est alors agglomérée autour de lui et une butte est sortie de l’eau. Ainsi serait née la Terre.
Chez les Iatmul, le fœtus préexiste avant sa conception. Le père, à travers son sperme, le nourrit et permet à ses os – qui sont ce qui reste d’un individu après sa mort – de se constituer. La femme, par le sang maternel, le nourrit également, elle lui apporte la chair. Pendant la prime enfance, son père ne touche pas ni ne nomme le garçon. L’initiation est le moment où l’homme reprend ses droits sur l’enfant mâle. La scarification vise donc à le purger du sang maternel qui l’a nourri et qui devient dangereux à l'âge adulte. Interdit aux femmes et aux enfants qui doivent rester dans l’ignorance, ce rituel d’initiation douloureux dure des semaines. J’ai pu assister à l’une de ces cérémonies secrètes après m’être rendu plusieurs fois dans le village de Kandinge où une famille m’a adopté.