Un buffet en bois massif, des bâtons d’encens, un bouddha avec une fleur de lotus en arrière-plan, des coupes de porcelaine pour les offrandes, des fleurs artificielles. Dans la maison de la vieille mère Hoang Thi The, 77 ans, l’autel des ancêtres se trouve juste après l’entrée. Pendant la guerre contre les Etats-Unis, l’homme avait été conducteur d’estafette de la Résistance, et avait été à de nombreuses reprises en contact avec l’«agent orange», ce défoliant contenant de la dioxine que les Américains épandaient alors sur les forêts et les rizières pour priver l’ennemi du couvert des arbres et de nourriture.
Hoang Thi The habite Da Nang. Des plages de carte postale, des hôtels de luxe, les célèbres Montagnes de marbre avec leurs grottes et leurs sanctuaires bouddhistes. Presque plus rien ne rappelle qu’ici, les portes de l’enfer étaient autrefois grandes ouvertes. Dans les années 1960-70, la ville de Da Nang était une base navale et aérienne – la plus grande – de l’armée américaine sur la Côte centrale du Viêtnam. De là, les avions décollaient, chargés de leur cargaison mortelle. Au total, ce sont 12 millions de tonnes de bombes qui ont été larguées sur le pays. Et 72 millions de litres d’agent orange sur le Viêtnam du Sud. Même quarante ans après la guerre, les conséquences tragiques sont toujours visibles. Selon l’Association vietnamienne des victimes de l’agent orange (VAVA), pas moins de trois millions de personnes dans le pays souffriraient encore de séquelles. Une partie de la dioxine contenue dans ce défoliant se trouverait même toujours dans la chaîne alimentaire. Pire encore: sa présence aurait des conséquences sur le patrimoine génétique de trois générations de Vietnamiens. Pour celles à venir, la crainte persiste. La guerre du Viêtnam est une guerre sans fin.