D’entendre Renaud Burnier parler avec passion de son domaine; de voir son épouse Marina s’affairer aux relations publiques et répondre sans cesse à ses deux téléphones, un suisse et un russe, on se dit que ce couple est invincible. Tant il est complémentaire et soudé dans ce projet viticole. Quand l’un est au four, l’autre est au moulin. En les regardant évoluer pendant quelques jours, j’ai saisi le sens profond d’une entreprise familiale. Or, les difficultés n’ont pas manqué non plus.
Le jour de mon arrivée à Anapa, Renaud Burnier s’apprêtait à procéder à l’embouteillage d’une cuvée d’assemblage de blancs. Mais l’entreprise qui devait livrer les bouteilles l’a fait avec deux jours de retard. Cela aurait pu avoir de graves conséquences. La mise en verre est la dernière étape du processus de vinification, la plus délicate aussi, la moindre erreur est irrécupérable, les tuyaux menant le breuvage de la cuve aux appareils d’embouteillage doivent être propres et sous pression constante, la moindre bulle d’oxygène est une ennemie.
Alors quand tout est prêt et que la logistique ne suit pas, il y a de quoi s’énerver. Mais Renaud Burnier se révèle philosophe: «J’ai fait trente millésimes, dont neuf en Russie. Jamais un problème ne se présente deux fois de la même manière. En Russie, c’est l’approximation de la chaîne logistique qui nous préoccupe, car la précision et la ponctualité sont essentielles à la viticulture. On ne sait jamais si ça va aller, mais étonnamment cela va toujours… Cette fois-ci encore.» D’ailleurs, le vigneron confie: «J’aime l’imprévisibilité de la Russie tout autant que sa mélancolie et son mystère.»