Les minutes s’égrainent. Lentement. Pesamment. Comme cette fine pluie de novembre déposant des perles d’eau sur les aiguilles de sapins trop lasses et les branches de hêtres trop frêles pour les retenir. Le chant des oiseaux s’est tu lorsque les derniers rayons du soleil ont disparu. Seule l’odeur âcre de la boue parvient à mes narines tandis que la clairière dans laquelle je me trouve plonge peu à peu dans l’obscurité.
Vissé sur ma tête, mon hjálmr, sorte de casque en fer, m’empêche de voir précisément les silhouettes qui me font face. Sous leurs épaisses protections de cuir et de mailles, elles sont imposantes et hostiles. Les regards en ma direction ne présagent rien de bon… Je souffle, je halète, je tremble. Les contourner me semble impossible, s’enfuir n’est plus une option envisageable. Tenant fermement mon bouclier, je prie pour que mon épée à double tranchant ne se brise pas au premier assaut. Vopen, «en garde», vocifère mon compagnon d’armes collé à mon épaule. Fram, «en avant», ajoute-t-il après quelques secondes. La bataille s’engage...
Chaque mois, hiver comme été, les bois fribourgeois sont le théâtre d’un bien étrange spectacle mêlant vocables insolites et éclats de fer. Un retour dans le temps, dix siècles plus tôt, à une époque où les Vikings, civilisation scandinave aussi valeureuse que féroce, partaient à la conquête de l’Europe, du Groenland et de l'Amérique. Une disparition brutale les a consacrés au rang de mythe au même titre que les Grecs ou les Romains. Depuis, de nombreux passionnés ont repris le flambeau pour rallumer la flamme et partager cet héritage. A Fribourg, ils se surnomment Harald drekihúð, Asulf, Valdís, Hrimnir et Jorulf. Réunis autour d’une identité commune, ils forment la troupe des Chiens du Nord.