C'est un peu grâce à Jules César que le territoire que nous connaissons sous le nom de «Suisse» est devenu un objet d’étude documenté. En effet, après s’être fait attribuer le gouvernement des Gaules, le proconsul romain se consacre à en prendre le contrôle, entreprise relatée dans des Commentaires devenus célèbres. En racontant sa guerre des Gaules (58-51 av. J.-C.), il se vante d’avoir empêché la migration d’un peuple, les «Helvètes», dont il ne manque pas, pour se valoriser, de souligner la grande ardeur guerrière. Stoppés par César près du site de Bibracte (Bourgogne) en 58 av. J.-C., ceux-ci doivent retourner dans une région dont la description par l’auteur antique suggère qu’il s’agit d’une partie de la Suisse: «D’un côté, le Rhin, large et profond, les sépare des Germains, d’un autre, la très haute chaîne du Jura s’élève entre leur territoire et celui des Séquanes; enfin le lac Léman et le Rhône les bornent du côté de notre Province.» Les Helvètes avaient déjà tenté un déplacement du même genre un demi-siècle auparavant, avec un certain succès semble-t-il, du moins si l’on en croit les échos mémorisés par les Romains. Mais l’essentiel est de constater que César nomme un peuple et non pas un territoire – le terme «Helvétie» viendra plus tard à la Renaissance –, précise un nombre de tribus, quatre, en désignant une seule d’entre elles, les Tigurins, et que, curieusement, il ne mentionne pas les Alpes.
Les Helvètes sont l’un de ces nombreux peuples celtes dont l’intégration progressive dans l’Empire romain fut assez mouvementée pour avoir laissé des traces écrites, d’origine exclusivement romaine d’ailleurs. Jusqu’à la fin du IIe siècle avant J.-C., les Romains s’étaient contentés de s’appuyer sur la barrière des Alpes en structurant les territoires de la plaine du Pô sous le nom de Gaule cisalpine. Ils s’aventurent ensuite au-delà des Alpes occidentales en occupant le Sud de la France actuelle (une Gaule transalpine appelée plus tard Gaule narbonnaise).