Sept.info | Une neutralité reconnue par les puissances (3/5)

Une neutralité reconnue par les puissances (3/5)

Une histoire de la Suisse a pour but de proposer un récit soigneusement construit de l'histoire d’un pays surprenant mais résolument ouvert sur le monde. Dans une Europe bouleversée par les révolutions, la Suisse parvient à affirmer sa spécificité qu’est la neutralité.

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Helvetia aux côtés d’un soldat suisse s’en allant aux frontières et portant sa main droite au cœur en signe de fidélité à la patrie.© A. Schwarz, 14-18.ch, Bibliothèque nationale suisse

Le 31 mars 1814, les Alliés entrent dans Paris. Napoléon abdique et les Bourbons reviennent. Toutefois, la «restauration» du pouvoir monarchique – l’expression laissera son nom à la période 1814-1830 – n’est pas complète. En effet, le nouveau roi, Louis XVIII, accorde en juin 1814 une «charte» constitutionnelle, qui conforte le parlementarisme et le suffrage censitaire. Les Alliés victorieux – l’Autriche, la Russie, la Prusse et la Grande-Bretagne – attendent des cantons suisses qu’ils récupèrent les territoires perdus lors de l’expansion conquérante de la Révolution afin de revenir aux anciennes limites. Comme les frontières territoriales à l’intérieur de l’Europe n’existent plus, les vainqueurs suggèrent que les pouvoirs restaurés définissent eux-mêmes les meilleures frontières possibles. C’est ainsi qu’en Suisse le colonel Hans Conrad Finsler de Zurich est chargé par la Diète d’étudier un périmètre idéal. Son mémoire propose d’annexer une partie de l’évêché de Bâle, le Fricktal précédemment autrichien, le pays de Gex, le Chablais, le Faucigny, la Valteline, Chiavenna et Constance! De telles revendications peuvent paraître absurdes aujourd’hui, mais elles ne l’étaient pas vraiment en 1814. Avant l’affirmation des nationalités, processus marquant du XIXsiècle et culminant au moment de la Première Guerre mondiale, il est admis que les frontières soient mouvantes et donc que toute fixation de limites se négocie et dépende de rapports de force qui peuvent, à terme, se modifier. Faible et pusillanime, la Diète suisse n’est par ailleurs pas vraiment apte à définir une politique territoriale, d’autant que chacun des cantons se méfie d’agrandissements au bénéfice des autres! Peu d’enthousiasme aussi à incorporer de nouveaux territoires. A vrai dire, le Fricktal et Constance intéressent plus que Genève! Si le Tessin est, déjà en 1813, réoccupé par les troupes suisses, en revanche, la Valteline anciennement grisonne est annexée à la Lombardie autrichienne.

Les cantons n’ont pas su imposer leurs prétentions et la Diète n’a pas voulu d’un 23canton! Et pourtant, s’il est un territoire emblématique des principes de possession légitimés par les Alliés, c’est bien cette vallée du sud des Alpes, considérée comme appartenant à l’espace helvétique depuis des siècles! Quand une partie de l’ancien évêché de Bâle demande son rattachement à la Suisse, la requête est reçue froidement. Ce sont encore les puissances qui sollicitent l’occupation de la région par les troupes fédérales alors que Berne, à qui le Jura a été suggéré en compensation de la perte de ses bailliages, refusait d’entrer en matière. Quant aux territoires qui seront incorporés par les traités internationaux, leur agrégation ne va pas de soi: Neuchâtel tient à son identité prussienne; le Valais à son indépendance, tout comme Genève qui la recouvre à la faveur de l’intervention autrichienne.

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