Peut-on dire du photographe qu’il se différencie du peintre parce qu’il est dans un rapport instantané et réceptif au grand désordre que la vie lui propose, alors que le peintre, au sens classique du terme, construit sa toile, à son propre rythme? En même temps, on dit souvent d’une photo qu’elle ressemble à une peinture, et ceci en général lorsqu’elle représente une nature morte, un paysage urbain, campagnard ou composé. J’ai souvent évoqué ces aspects respectifs de la photographie et de la peinture avec Wollodja mais il n’a jamais voulu émettre de postulats à ce sujet, souhaitant rester le plus libre possible face à l’acte photographique, qu’il s’agisse d’une nature morte ou d’un instantané. «La fin justifie les moyens», m’a-t-il dit un jour, confirmant ainsi ne pas vouloir s’embarrasser de barrières. Que d’heures, de déjeuners, à épiloguer sur les principes et devoirs moraux du faiseur d’images! Surtout à l’arrivée du numérique dont Wollodja s’est emparé goulûment, devenant un maître incontestable de cette technologie dont il a rapidement dominé tous les aspects.

En regardant ses photographies, je comprends vite que la vocation première de Wollodja est de saisir l’invisible pour le quidam et de le rendre ensuite visible à travers ses images. C’est là, dans cette fonction révélatrice, que réside la force qui caractérise ses images. A sa manière, ce sont de véritables partitions que nous livre Wollodja, et je pense ici tout particulièrement à ses magnifiques images des quais de Vevey. Je dis partition puisqu’il n’y a que du noir et du blanc et que les personnages nous rappellent des notes de musique: silhouettes parfaitement dessinées devant le lac et qui évoquent chacune une histoire différente et très éloquente.